Mars 2019

Vini Ma®k N°31 – Juin 2019

Ce nouveau numéro de Vini Ma®k sera consacré à un tour d’horizon de quelques décisions de jurisprudence récentes en matière de conflits entre marques viti-vinicoles.

Mais débutons par un rappel de l’important arrêt rendu, sur question préjudicielle, par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 6 décembre 2018 dans l’affaire de la marque adegaborba.pt.

Cette décision est importante en ce qui concerne l’appréciation du caractère distinctif des marques viti-vinicoles comportant notamment une indication géographique et un terme dont le caractère distinctif est sujet à discussion.

En l’espèce, la société portugaise ADEGA COOPERATIVA DE BORBA, C.R.L. avait déposé plusieurs marques nationales portugaises dont une marque verbale adegaborba.pt, dont la validité a été attaquée par la société portugaise J. PORTUGAL RAMOS VINHOS.

Après que les tribunaux du fond portugais aient rejeté l’action en annulation, la Cour Suprême portugaise pose à la Cour de Justice une question préjudicielle sur l’interprétation de l’article 3 de la directive du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.

La Cour retient que cet article doit être interprété « en ce sens que doit être refusée à l’enregistrement une marque constituée d’un signe verbal, tel que celui en cause, désignant des produits vinicoles et incluant un nom géographique, dès lors que ce signe contient notamment un terme qui, d’une part, est couramment utilisé pour désigner les installations ou les locaux dans lesquels sont élaborés de tels produits et, d’autre part, est également l’un des éléments verbaux composant la dénomination sociale de la personne morale qui entend obtenir l’enregistrement de cette marque ».

Les tribunaux portugais devraient donc, sur la base de cette interprétation annuler la marque portugaise adegaborba.pt.

Revenons en France avec quelques décisions récentes, notamment de l’INPI sur oppositions.

Le 13 décembre 2018, l’INPI accueille favorablement l’opposition formée par le Château bien connu LA CONSEILLANTE, en appellation Pomerol, contre l’enregistrement d’une demande de marque verbale CHATEAU LA CONCERTANTE.

Malgré des différences conceptuelles entre les termes CONSEILLANTE et CONCERTANTE et un dépôt de la marque CHATEAU LA CONSEILLANTE avec une étiquette comportant un certain nombre d’autres éléments, l’INPI, retenant également la « connaissance de la marque antérieure sur le marché viti-vinicole pour apprécier plus largement le risque de confusion », considère que les ressemblances entre les marques, notamment de structure et de rythme entre CONCERTANTE et CONSEILLANTE, entrainent un risque de confusion.

L’INPI rejette la demande de marque CHATEAU LA CONCERTANTE.

Toujours dans le Bordelais, le célèbre Château AUSONE, premier grand cru classé A en Saint-Emilion, a formé opposition contre l’enregistrement d’une demande de marque verbale CHATEAU AUSON MARTINAY.

L’INPI accueille favorablement l’opposition dans sa décision du 18 décembre 2018 et considère que l’ajout du terme MARTINAY est insuffisant à écarter un risque de confusion.

Dans cette décision, la notoriété du Château AUSONE a manifestement joué, puisque d’autres décisions, concernant notamment des marques viticoles du Bordelais, autorisent au contraire la coexistence de marques proches dès lors qu’un nom, patronymique ou géographique, est ajouté à un élément commun.

Restons dans les conflits portant sur des noms patronymiques déposés en tant que marques, très fréquents en matière de marques viti-vinicoles quels que soient les régions et les terroirs.

Le TGI de Paris a ainsi retenu, dans son jugement du 6 décembre 2018, que le dépôt comme l’usage d’une marque PIERRE CROIZET constituait un acte de contrefaçon de la marque antérieure CROIZET.

Le Tribunal retient, de façon classique, que l’élément dominant est le terme verbal CROIZET, PIERRE étant uniquement un prénom, ce qui crée, selon lui, un risque de confusion.

Le Tribunal considère par ailleurs, dans la même décision, que le nom de domaine <croizet.com> est également une imitation de la marque antérieure CROIZET, les deux marques désignant du cognac.

Enfin, le Tribunal retient des actes de concurrence déloyale et parasitaire et des pratiques commerciales trompeuses à l’encontre de l’exploitant de la marque PIERRE CROIZET.

Autre exemple : le titulaire de la marque DOMAINE DES COMTES LAFON s’opposait, auprès de l’INPI, à l’enregistrement de la demande française LOUIS LAFON.

L’INPI accueille l’opposition dans sa décision du 12 décembre 2018, retenant notamment que « la dénomination LAFON apparait distinctive au regard des produits en cause » et également « essentielle ».

L’INPI retient un risque d’association entre les signes, « le consommateur étant fondé à croire que ces deux marques présentent la même origine économique ».

Par ailleurs, deux décisions plus « papales » :

tout d’abord la décision de l’INPI du 20 décembre 2018 opposant le Château PAPE CLEMENT, grand cru classé de Graves, à une demande de marque semi-figurative COLLECTION CLEMENT VI, désignant des vins d’appellation Châteauneuf-du-Pape.

Malgré des différences entre les marques, l’INPI considère une fois de plus que la dénomination CLEMENT, commune aux deux marques, serait à la fois distinctive et essentielle et que la demande de marque COLLECTION CLEMENT VI constitue l’imitation de la marque antérieure CHATEAU PAPE CLEMENT.

Le 13 février 2019, l’INPI considère également que la marque antérieure CLOS DE SIXTE, en appellation Châteauneuf-du-Pape, permet de s’opposer avec succès à une demande de marque verbale SIXT : les termes SIXT et SIXTE, distinctifs, étant quasiment identiques et l’ensemble verbale CLOS DE n’étant pas distinctif « en tant qu’il désigne une exploitation dans le domaine viticole ».

Citons pour terminer ce bref panorama de jurisprudence un intéressant arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai le 14 février 2019, sur recours contre une décision de l’INPI.

La société VRANKEN-POMMERY MONOPOLE, titulaire d’une marque VRANKEN, L’ART DU CHAMPAGNE, s’était opposée à l’enregistrement d’une marque L’ART DU ROSÉ déposée par la société MIRAVAL PROVENCE.

Ayant échoué, elle forme un recours devant la Cour d’appel, qui confirme la décision de l’’INPI de rejet de cette opposition.

Il est intéressant d’y noter que la Cour confirme notamment que le terme d’attaque VRANKEN, « isolé par une virgule de la seconde séquence, ne peut être perçu que comme une marque ombrelle, ce qui, ajouté au fait que les séquences d’attaque et de fin des deux marques ont une sonorité totalement différente, il n’existe aucun risque de confusion dans l’esprit du consommateur entre le marque VRANKEN, L’ART DU CHAMPAGNE et la demande de marque L’ART DU ROSÉ ».

 

 

 

 

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