Juillet 2014

JURISPRUDENCE : l’appellation Champagne fait un tabac

On le sait, le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC) est particulièrement en pointe sur la défense de l’appellation d’origine Champagne, en France mais également partout dans le monde, et par-là même dans la défense de l’ensemble de nos appellations.

Tout le monde a en mémoire la fameuse décision de 1993 sur le parfum Champagne d’Yves Saint-Laurent. Tout le monde a en mémoire la fameuse décision de 1993 sur le parfum Champagne d’Yves Saint-Laurent.

page_NEWS_26Une intéressante décision du Tribunal de Grande Instance de Lille en date du 12 juin 2014 vient renforcer cette jurisprudence, dans une instance tout à fait particulière puisque l’atteinte à l’appellation Champagne, invoquée par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) aux côtés du CIVC, concernait des produits du tabac. Le TGI de Lille a retenu que la commercialisation de feuilles de tabac à rouler sous la désignation Crystal Champs, mais surtout accompagnée de la représentation sur l’emballage d’une bouteille de champagne et d’une flûte de champagne, portait atteinte à l’appellation Champagne, condamnant la société française Royale Distribution Tabac Distri Nord, comme la société Yves Saint-Laurent il y a vingt ans.

Le tribunal retient que les actes de société constituent une « appropriation illégitime de la notoriété de l’appellation d’origine contrôlée Champagne ainsi qu’un risque de banalisation du nom », conduisant à la condamnation à verser 5.000 euros de dommages et intérêts à chacun des deux plaignants.

Cette décision n’est pas sans rappeler non plus une décision datant, elle, de 30 ans déjà, qui avait vu la société alors dénommée SEITA, condamnée pour avoir nommé un paquet de cigarettes Champagne.


JURISPRUDENCE : un apéritif générique

Point final d’une saga jurisprudentielle entamée il y a plusieurs années, la Cour de Cassation vient de rendre une intéressante décision à propos de la marqueTroussepinette, désignant des boissons alcooliques, plus précisément un apéritif originaire de Vendée.

Le titulaire de la marque Troussepinette poursuivait une société concurrente commercialisant un apéritif sous la marque La Troussepinète.

Après une première cassation, la Cour d’Appel de Bordeaux, statuant en tant que cour de renvoi, a considéré que ces deux termes, Troussepinette et Troussepinète, constituaient la désignation générique des produits désignés, au sens du Code de la Propriété Intellectuelle.

L’action en contrefaçon a donc été rejetée.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi, et notamment l’argument d’une connaissance de l’appellation Troussepinette qui aurait été limitée d’un point de vue géographique, et l’argument du prétendu caractère distinctif acquis par l’usage.

La cour confirme l’arrêt d’appel qui avait retenu que, Troussepinette étant, dans le langage courant en Vendée, la désignation générique et usuelle d’une boisson apéritive, il n’était pas possible dès lors qu’un usage vienne pallier ce vice de fond.

INTERNET : les noms de domaine en « .vin » et « .wine » font l’unanimité contre eux

Annoncés de longue date comme source de développement économique pour le secteur viti-vinicole, dont une partie importante de l’activité est réalisée sur internet, les noms de domaine en « .vin » et « .wine » suscitent au contraire une vive polémique et font désormais l’unanimité contre eux en France, mais également dans d’autres pays européens.

Quel est exactement le problème ?

La société américaine en charge de la gestion et de l’attribution des noms de domaine au niveau mondial, Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), constatant la saturation de nombreux noms de domaine dits de premier niveau (.com, .net, etc.) imagine régulièrement de créer de nouveaux noms de domaine.

Or l’ouverture des noms de domaine en « .vin » et « .wine », séduisante sur le papier, recèle en réalité bien des dangers pour la filière viti-vinicole, qui fait front non pas tant sur le principe lui-même que sur les conditions d’attribution et de gestion de ces futures extensions.

En effet, l’ICANN, dans le cadre de l’ouverture de ces nouvelles extensions, avait annoncé qu’elles seraient mises en vente au plus offrant. Trois sociétés se sont positionnées sur « .wine », et une sur le « .vin » ;

Ces sociétés seraient donc chargées de l’attribution et de l’exploitation de ces extensions.

Or, ces sociétés candidates ont annoncé que les noms de domaine seraient attribués sur la base d’enchères, sans se soucier de faire respecter les indications géographiques protégées.

Cela signifie concrètement que n’importe qui pourrait faire l’acquisition d’un nom de domaine se terminant en « .vin » ou « .wine », par exemple www.bordeaux.vin, www.champagne.wine ou encore www.cotesdurhone.wine.

Toujours aussi concrètement, ce laxisme dans les conditions d’attribution, qualifié par certains de véritable « racket international », serait la porte ouverte à des réservations de sites pour vendre des produits n’ayant rien à voir avec les appellations concernées, ou même avec le vin, ainsi qu’à de nouveaux actes de cyber-squatting.

La Confédération Nationale des Producteurs de Vin et Eaux-de-vie à Appellation d’Origine Contrôlée (CNAOC), notamment, s’est mobilisée et a mené une intense action de lobbying aux fins de demander, dans un premier temps, la suspension de l’attribution des noms de domaine en « .vin » et « .wine » afin de pouvoir régler sereinement la question de fond des conditions d’attribution des noms.

La question est ensuite devenue éminemment politique, puisque le gouvernement français, interpelé par nos élus de régions viticoles, a clairement pris position contre l’attribution, telle quelle, des noms de domaine en « .vin » et « .wine » et pour un encadrement.

L’ICANN est donc poussée à revoir sa copie, mais au terme de son sommet la semaine dernière, aucun accord n’a été trouvé pour poser des conditions préalables à l’attribution des noms de domaine en « .vin » et « .wine ».

Le problème n’est donc pas réglé et, pour l’heure, la suspension des attributions n’est pas prononcée.

La diplomatie française s’active et il est à espérer une issue rapide à ce blocage, afin que les nouvelles extensions en .vin et .wine puissent avoir les effets positifs escomptés pour la filière viti-vinicole tout en évitant absolument l’anarchie totale dans leurs conditions de délégation et donc les risques, tant pour les consommateurs que pour les producteurs.

A suivre avec grand intérêt donc.

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