Mars 2017

Vini Ma®k N°20 – Mars 2017

Une nouvelle « balade oeno-judiciaire » printanière débute.

Examinons en effet quelques décisions de jurisprudence rendues ces derniers mois en matière de conflits entre marques vitivinicoles dans un certain nombre de nos terroirs.

Nous commencerons tout d’abord par le rappel d’une décision qui a déjà beaucoup fait parler d’elle et actuellement frappée d’appel, mais dont les conséquences n’ont pas fini d’être mesurées : il s’agit de la décision du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux en date du 29 novembre 2016 dans l’affaire CHATEAU FIGEAC.

Le célèbre CHATEAU FIGEAC, premier grand cru classé de Saint-Emilion, a peut-être attaqué une fois de trop ses voisins.

Habitués des prétoires, le CHATEAU FIGEAC poursuit en effet depuis des années un certain nombre de propriétés voisines utilisant le toponyme FIGEAC en tant que partie du nom de leur propriété et marque, et ce avec succès malgré l’adjonction de termes au toponyme FIGEAC.

En l’espèce, le CHATEAU FIGEAC s’attaquait à ses voisins CHATEAU CORMEIL-FIGEAC et CHATEAU MAGNAN-FIGEAC, et ce non pas sur le terrain de la contrefaçon mais en invoquant un grief qui s’est développé avec succès depuis quelques années, celui de la déceptivité pour défaut d’utilisation légitime d’un toponyme.

En effet, aucun des deux châteaux attaqués ne comportait de parcelles de vignes cadastrées FIGEAC, trompant ainsi les consommateurs.

Mais, si certes le TGI de Bordeaux annule les deux marques CHATEAU CORMEIL-FIGEAC et CHATEAU MAGNAN-FIGEAC, pourtant déposées dès 1986, reconventionnellement ces derniers entrainent dans leur chute celle… des marques CHATEAU FIGEAC et CHATEAU DE FIGEAC du demandeur, illustrant ainsi le principe dit de l’arroseur arrosé.

Le point important de la décision du TGI est en effet que les marques CHATEAU FIGEAC et CHATEAU DE FIGEAC sont également considérées comme trompeuses pour les consommateurs, en raison de la présence dans chacune des deux marques du terme CHATEAU.

Le droit positif fait en effet obéir l’utilisation du terme CHATEAU en matière viticole à des conditions très strictes, et en particulier il n’est pas possible de commercialiser deux vins différents sous deux marques différentes comportant chacune le terme CHATEAU s’il n’y a pas de parcelles distinctes et surtout une vinification distincte.

Or le CHATEAU FIGEAC n’a pas pu apporter la preuve d’une vinification séparée des vins CHATEAU FIGEAC et CHATEAU DE FIGEAC et le TGI a donc annulé les marques, ce qui devrait donner à réfléchir à bon nombre de Châteaux, Domaines ou Clos.

Restons à Bordeaux et au sein de l’appellation Saint-Emilion, avec un autre CHATEAU habitué des sagas judiciaires, le célèbre CHATEAU CHEVAL BLANC, premier grand cru classé A.

Poursuivant une demande de marque française LES FRERES CHEVAUX NOIRS, sur la base de sa marque CHEVAL BLANC mais également de sa marque antérieure CHEVAUX BLANCS, le CHATEAU CHEVAL BLANC franchit un nouvel obstacle et obtient le rejet par l’INPI, par décisions du 7 février 2017, de la demande de marque LES FRERES CHEVAUX NOIRS.

La différence de robe des chevaux en question et la présence des termes LES FRERES au sein de la marque contestée n’ont pas été jugés suffisants par l’INPI pour écarter un risque de confusion, aggravé il est vrai par la grande notoriété de la marque CHEVAL BLANC.

Toujours à Bordeaux, signalons une intéressante décision mettant aux prises la société SACHA LICHINE et sa marque verbale COQ, qui s’opposait à une demande d’enregistrement de marque LE COQ GOURMAND, accompagnée d’une étiquette assez humoristique :

Cette demande de marque est rejetée par l’INPI, dans sa décision du 13 février 2017, comme créant un risque de confusion avec la marque antérieure COQ, malgré les différences existant entre les marques.

Rendons-nous à présent en Champagne avec une nouvelle décision à l’initiative de la société LEROY et de sa célèbre marque à couronne.

Cette fois, la société LEROY s’oppose avec succès, auprès de l’INPI, à une demande d’enregistrement de marque française LE PETIT ROY, considérée par l’Institut comme une imitation de la marque antérieure  (décision du 23 février 2017).

Mettons à présent le cap vers l’Alsace, pour une nouvelle décision d’opposition, en date du 26 janvier 2017, sur la problématique classique de la coexistence de marques patronymiques proches en matière vitivinicole.

La société espagnole JEAN LEON SL s’opposait à la demande de marque verbale ARTHUR METZ MICHEL LEON déposée par la société alsacienne ARTHUR METZ.

Retenant que le patronyme LEON n’était « pas apte à retenir à lui seul l’attention du consommateur », et l’importance des termes ARTHUR, METZ et MICHEL accompagnant le patronyme LEON, l’INPI rejette l’opposition.

Descendons à présent dans la vallée du Rhône en faisant étape à Châteauneuf-du-Pape, pour une première décision d’opposition classique de l’INPI, en date du 23 février 2017.

L’Institut a en effet accueilli favorablement l’opposition formée par le CHATEAU DES FINES ROCHES contre une demande de marque française DOMAINE DES GRANDES ROCHES, malgré les différences conceptuelles entre FINES et GRANDES, n’écartant pas le risque de confusion.

Toujours à Châteauneuf-du-Pape, deux décisions concernant les célèbres armoiries Châteauneuf-du-Pape déposées, sous deux variantes différentes, par la FEDERATION DES SYNDICATS DE PRODUCTEURS DE CHATEAUNEUF-DU-PAPE , d’une part, et le SYNDICAT DES PROPRIETAIRES VITICULTEURS DE CHATEAUNEUF-DU-PAPE , d’autre part.

Ces deux entités s’opposaient à la même demande de marque semi-figurative CHATEAUNEUF DU PAPE PARRAINAGE, se présentant également sous forme d’un blason :  et déposée par une société privée SBA VINS.

Retenant tout particulièrement, outre la présence de l’appellation d’origine identique Châteauneuf-du-Pape, des ressemblances visuelles très importantes entre les signes en cause, représentant notamment deux clés anciennes en position croisée et la représentation stylisée d’une coiffe, l’INPI fort logiquement accueille favorablement les deux oppositions en raison d’un très important risque de confusion.

Terminons cette nouvelle « balade oeno-judiciaire » dans la nouvelle région Occitanie, plus particulièrement dans l’aire de l’IGP Aude Hauterive, où la société GERARD BERTRAND exploite un vin sous la marque CIGALUS.

Elle s’est opposée à la demande de marque française LOU CIGALOU LOU CIGAL et ce avec succès puisque la division d’opposition de l’INPI, dans sa décision du 19 janvier 2017, retient le caractère essentiel des termes CIGALOU et CIGAL dans la marque contestée, évidemment très proches de l’unique élément verbal de la marque antérieure CIGALUS, le tout créant un risque de confusion conduisant au rejet de la demande de marque contestée.

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