Octobre 2014

Protection du nom LAGUIOLE : à couteaux tirés

Le Tribunal de l’Union Européenne vient de rendre, le 21 octobre 2014, un arrêt fort intéressant venant compléter la jurisprudence de ces dernières années sur la protection, ou plutôt l’absence de protection jusqu’à présent du terme LAGUIOLE, et venant surtout contredire les termes de la jurisprudence française actuelle.

En effet, la jurisprudence française ces dernières années ne s’était pas montrée très tendre avec LAGUIOLE, le dernier arrêt en date, celui de la Cour d’Appel de Paris du 4 avril 2014, ayant marqué les esprits en considérant que LAGUIOLE n’était qu’un nom usuel et générique donné à un type de couteaux et n’était pas protégeable.

C’est cette fois au niveau communautaire que la bataille se poursuit.

L’objet du litige était le dépôt de la marque communautaire LAGUIOLE effectué par un particulier (nullement domicilié à LAGUIOLE) en 2001, dans de nombreuses classes. La société Forges de Laguiole Sarl, établie, elle, à Laguiole, demandait la nullité de cette marque sur la base, notamment, d’un risque de confusion avec sa dénomination sociale antérieure (signe qu’il est possible d’invoquer devant l’Office communautaire en tant que fondement d’une opposition ou d’une action en annulation).

Rappelant que la jurisprudence française protège la dénomination sociale « pour les activités effectivement exercées par la société et non pour celles énumérées dans ses statuts », le Tribunal de l’Union Européenne, après avoir écrit que « le terme Laguiole présente un caractère descriptif, voire générique, pour la totalité des activités de l’intervenante », retient pourtant un risque de confusion avec la dénomination sociale antérieure Forges de Laguiole.

Pour cela, le tribunal considère qu’un élément descriptif d’un signe peut néanmoins constituer son élément dominant ou co-dominant et que, pour le public concerné, la distinctivité réduite de la dénomination sociale antérieure n’empêche pas un risque de confusion.

Cet arrêt est très important car il vient conférer une certaine protection juridique au terme LAGUIOLE dans le domaine de la coutellerie, cette décision étant susceptible d’intéresser l’ensemble des nombreuses indications géographiques françaises de toute nature.

A suivre donc.
Cliquez ici pour le texte complet de l’arrêt Laguiole, T-453/11


Rappel : le vin fait partie du patrimoine culturel de la France

Après la gastronomie française, inscrite depuis 2010 par l’UNESCO au patrimoine culturel et immatériel de l’humanité, c’est cette fois le vin qui, certes au niveau français seulement, fait son entrée dans le « patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France ». Tel est le sens de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, n° 2014-70 du 13 octobre 2014 qui introduit une disposition en ce sens dans le Code rural.


Noms de domaine en “.vin” et “.wine” : la suite du feuilleton

Dans les précédents numéros de Vini Ma®k, nous nous faisions l’écho des difficultés grandissantes rencontrées par les extensions .vin et .wine et des derniers développements de ces extensions à hauts risques.

L’ICANN 51, réunion de l’ICANN, a eu lieu à Los Angeles du 12 au 16 octobre 2014 et ce sujet n’y a pas été abordé officiellement.

En réalité, peu d’informations ont filtré au sujet des .vin et .wine, la seule information disponible étant qu’une « négociation » aurait débuté en marge de la session.

C’est également en marge de la réunion que se situait l’intérêt pour les extensions viticoles : en effet, à l’occasion de l’ICANN 51, plus de 2000 wineries américaines s’étaient réunies autour du projet « Protect wine place and origin » et faisaient savoir que leurs préoccupations rejoignaient celles des viticulteurs européens, ce qui est un progrès important.

Photo : extrait de la E-Lettre de Vitisphère 29/10/2014

Photo : extrait de la E-Lettre de Vitisphère 29/10/2014

Initiative tout à fait sympathique, ces wineries invitaient plusieurs centaines de congressistes à une dégustation de vins, pour les sensibiliser à la notion d’origine et parvenaient même à prendre la parole lors des travaux de l’ICANN.

En revanche, le Président de l’ICANN a tout récemment écrit à la Secrétaire d’Etat chargée du numérique, Axelle Lemaire. Dans sa lettre à Axelle Lemaire datée du 22 octobre 2014, Mr Fadi Chedade a annoncé qu’un mécanisme de protection des indications géographiques au sein des extensions <.vin> / <.wine> était à l’étude :

« The parties involved are now working on devising a mechanism which would offer protections to a reserved list of names, which would be contractually protected through ICANN’s registry agreement, along with a set of rules around how those names could be distributed to parties that have interests in and the rights to them. Once they are finalized, ICANN would be charged with monitoring and ensuring compliance with these commitments. »

Une liste de noms réservés serait ainsi établie et contractuellement protégée au sein de ces domaines de premier niveau : leur délégation ne serait alors possible qu’à des conditions bien définies. Enfin, nous apprenons que L’ICANN serait par ailleurs chargée de s’assurer de la bonne tenue de ces engagements par les registres concernés.

Affaire à suivre donc, et Vini Ma®k reviendra prochainement sur ce sujet ô combien important.

Nouvelles campagnes de communication interprofessionnelles : loi et vin

Dans nos précédents numéros de Vini Ma®k, nous abordions notamment les actions de l’ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie), en croisade depuis 10 ans contre une précédente campagne de communication du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB).
Nous nous réjouissions de l’arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 3 avril 2014 rendu à l’occasion de cette campagne aux visuels résolument conviviaux.
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Or l’ANPAA s’est pourvue en cassation. Nous suivrons donc avec grand intérêt les nouveaux rebondissements. En attendant, deux nouvelles campagnes de communication méritent l’attention, et serviront également de test vis-à-vis de l’ANPAA. C est tout d’abord le CIVB qui lance une nouvelle campagne de communication, axée sur le côté abordable et pas si complexe des vins du bordelais, autour de cinq visuels. Il est important de souligner que, loi Evin oblige, la campagne destinée plus particulièrement à la France a été expurgée des personnages, et il sera intéressant de voir la réaction de l’ANPAA face à cette nouvelle campagne.
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C’est également l’interprofession des Côtes du Rhône qui annonce le lancement d’une nouvelle campagne publicitaire en France, autour d’un visuel qui sera, là aussi, un test important vis-à-vis de l’ANPAA, puisqu’il représente un personnage sortant du travail et s’évadant quelque peu grâce aux vins.
Cette campagne est donc également à suivre de très près.
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Jurisprudence : homonymie en matière de marques viticoles

La question de l’homonymie en matière vitivinicole est très présente dans tous nos terroirs, beaucoup de propriétés ayant en commun un même nom patronymique suite à des démembrements de propriété ou successions.
Une série de 4 récentes décisions concernant l’Alsace mérite l’attention : le 15 octobre 2014, la Cour d’Appel de Colmar a en effet rendu 4 arrêts rendus sur 4 recours formés contre des décisions d’opposition rendues par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

Une série de 4 demandes de marques « Marie & Cécile Albrecht », « Cécile Albrecht », « Famille Albrecht » et « crémant d’Alsace Jean Albrecht » a été déposée par Mmes Marie et/ou Cécile Albrecht pour les 3 premières, la société Jean Albrecht pour la quatrième.

La société coopérative agricole WOLFBERGER, titulaire de la marque antérieure « Lucien Albrecht », a formé opposition à l’enregistrement de ces marques et a obtenu gain de cause, l’INPI retenant un risque de confusion et rejetant les 4 demandes de marques opposées.

Sur recours formés par les titulaires des demandes de marques rejetées, la Cour d’Appel de Colmar confirme l’existence d’un risque de confusion dû au patronyme commun ALBRECHT, se fondant sur l’impression d’ensemble produite par chacune des marques, aucune d’entre elles ne trouvant grâce à ses yeux. La Cour considère notamment que « pour les vins et les crémants, le consommateur est habitué à ce qu’une même maison décline sa marque constituée d’un patronyme avec plusieurs prénoms afin d’identifier plusieurs cuvées ».

L’on pouvait tout aussi bien considérer qu’au contraire, le consommateur de référence en matière vitivinicole, jouissant incontestablement d’un degré d’attention supérieur au consommateur d’attention moyenne d’autres produits, est au contraire habitué à une coexistence de marques viticoles comportant un patronyme ou toponyme commun et sait les distinguer, ce que la jurisprudence française retient souvent.

C’est notamment le sens de la saga judiciaire Henriot en Champagne, aux termes de laquelle la Cour de Cassation, le 21 juin 2011, confirmait l’arrêt d’appel qui avait retenu que les marques Serge Henriot et Raymond Henriot, attaquées par la maison champenoise Henriot, ne portait au contraire nullement atteinte à la marque HENRIOT malgré le patronyme commun et ce en raison des prénoms Serge et Raymond.

Il est vrai que la question de l’homonymie est très sensible en matière viticole et donne lieu à un abondant contentieux, la part de subjectivité dans la comparaison de marques homonymes expliquant les décisions contraires qui rendent complexe de s’y retrouver.

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