Janvier 2020

Vini Ma®k N°33 – Janvier 2020

Pour ce premier numéro du millésime 20vin, revenons sur trois décisions marquantes de la fin de l’année 2019, sur trois thématiques différentes.

Nous commencerons par rappeler l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 29 octobre 2019 dans l’affaire Château Figeac vs Château Cormeil-Figeac et Château Magnan-Figeac.

Nos lecteurs se souviendront que le Château Figeac, grand cru classé de Saint-Emilion, enclin à poursuivre le dépôt et/ou l’usage de marque vitivinicoles utilisant le toponyme Figeac, avait poursuivi ses voisins Château Cormeil-Figeac et Château Magnan-Figeac, considérant ces deux marques comme déceptives car trompant sur la provenance géographique des vins désignés.

Par jugement du 29 novembre 2016, le TGI de Bordeaux avait prononcé la nullité pour déceptivité des marques Château Cormeil-Figeac et Château Magnan-Figeac mais, illustrant le principe dit « de l’arroseur arrosé », avait également prononcé la déchéance des droits du GFA Château de Figeac sur ses marques Château Figeac et Château de Figeac, au motif que le GFA demandeur n’avait jamais fourni la preuve d’une vinification séparée de son premier vin Château Figeac, de son second vin Petit Figeac et du troisième vin La Grande Neuve de Figeac.

La Cour d’appel de Bordeaux, dans son arrêt du 29 octobre 2019, renvoie les deux parties à la coexistence de fait qui existait avant l’engagement de l’instance, puisqu’il :

  • Infirme la déchéance des marques Château Figeac et Château de Figeac,
  • Et infirme également le jugement de première instance sur les marques Château Cormeil-Figeac et Château Magnan-Figeac, dont l’invalidation est infirmée.

Pour ces dernières marques, la Cour se réfère à la notion de « privilège du tènement », prévoyant que le nom d’un vin peut incorporer le toponyme correspondant aux parcelles dont il est issu et ce quand bien même une autre marque viticole aurait été antérieurement déposée en référence au même toponyme.

La Cour considère qu’il n’y a aucune tromperie dans ces deux marques, correspondant réellement à un tènement, les parcelles de Cormeil et de Magnan ayant autrefois appartenu à la famille propriétaire du grand domaine originel de Figeac, lequel a par la suite été démembré au gré de plusieurs cessions, phénomène fréquent dans le Bordelais.

S’agissant des marques Château Figeac et Château de Figeac, la Cour retient, au contraire du Tribunal, que les documents produits en cause d’appel démontrent bien que les « jus entrant dans la composition du premier vin marques Château Figeac, du second vin Petit Figeac et du troisième vin La Grande Neuve de Figeac proviennent exclusivement de raisins récoltés sur les parcelles intégrées à l’assiette foncière du Domaine du Château de Figeac et sont vinifiés sur le domaine ».

La Cour rappelle par ailleurs « qu’aucune obligation légale ou réglementaire n’exige une vinification séparée des premier, second et troisième vins d’un même domaine ».

Intéressons-nous à présent à une problématique différente mais récurrente, liée à la loi Evin.

Lors d’importants travaux de réhabilitation de ses façades, la Monnaie de Paris a autorisé une société, spécialisée dans l’affichage publicitaire de grand format, à bâcher temporairement l’échafaudage avec une publicité pour les produits de la société Heineken.

L’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA), toujours elle, a alors fait assigner l’afficheur et Heineken devant le Tribunal de Grande Instance de Paris afin de faire constater le caractère illicite de cette campagne publicitaire.

Par jugement en date du 14 septembre 2017, le TGI de Paris a dit illicites les visuels et publicités en faveur de la boisson alcoolique Heineken.

Il est relevé appel de cette décision et la Cour dans son arrêt du 14 novembre 2019 confirme la décision de première instance et le caractère illicite du slogan publicitaire utilisé par Heineken et de ses visuels.

Nouvelle illustration de la vigilance, pour employer un euphémisme, de l’ANPAA par conséquent.

Enfin, revenons sur un sujet qui commence à préoccuper le milieu du vin, surtout dans le Bordelais, consistant pour des vins de négoce à utiliser, sur l’étiquette de tels vins, le nom d’un Château bien connu dans une appellation différente.

C’est une pratique qui se répand et le Château Maucaillou, d’AOP Moulis-en-Médoc, vient d’en faire les frais.

Sur la période allant de 2014 à 2019, la société les Notables de Maucaillou a commercialisé de nombreux cols d’un vin revêtu de la marque Le Bordeaux de Maucaillou, pour un vin de « simple » appellation Bordeaux, ne provenant pas des vignes du Château Maucaillou.

L’étiquette reprenait l’image du Château ainsi que la calligraphie et les codes visuels de l’étiquette du Château Maucaillou.
La Fédération des Grands Vins de Bordeaux, la Confédération Paysanne et l’INAO portent l’affaire devant le Tribunal correctionnel de Bordeaux qui, dans sa décision du 16 décembre 2019, considère qu’il s’agit là d’une pratique trompeuse de la part du négociant, malgré les arguments des parties poursuivies indiquant qu’en matière de marques commerciales, et non domaniales, il ne saurait être reproché une indépendance avec le domaine d’origine, citant notamment la marque Mouton-Cadet comme un précédent.

Bien qu’utilisant depuis 2017 la marque Le B par Maucaillou et non plus Le Bordeaux de Maucaillou, les prévenus se voient reprocher une tromperie à l’égard du « consommateur normalement informé, raisonnablement attentif et avisé », qui s’attend à ce que Le Bordeaux de Maucaillou soit également issu des vignes de l’exploitation Château Maucaillou, comme cela est le cas des marques Château MaucaillouNuméro 2 de Maucaillou et Le Haut-Médoc de Maucaillou.

Le fait que Le Bordeaux de Maucaillou désigne un vin d’AOP Bordeaux alors que le Château Maucaillou se rattache à l’appellation Moulis ne suffit pas à lever toute ambiguïté.

Cette affaire a fait grand bruit et la question qui se pose à présent est de savoir si elle va faire jurisprudence, car cette pratique s’est beaucoup répandue ces dernières années en particulier dans le Bordelais.

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