Janvier 2016

Le classement des Saint-Emilion validé

Après un report de plusieurs mois, le Tribunal administratif de Bordeaux entendait, le 8 décembre dernier, les avocats et propriétaires des Châteaux La Tour Figeac, Croque-Michotte et Corbin-Michotte, qui demandaient l’annulation du classement des crus de Saint-Emilion de 2012.

L’on sait que ce classement remplaçait lui-même le précédent classement de 2006, déjà annulé après avoir été contesté par huit châteaux évincés.

Contrairement au célèbre classement des grands crus du Médoc (le fameux classement de 1855), le classement des grands crus de l’appellation Saint-Emilion est révisable tous les dix ans et bien entendu, chacun espère apparaître dans ce classement prestigieux, en particulier celui des premiers grands crus classés A et B.

Trois propriétés, déclassées dans le dernier classement de 2012, ont déposé un recours pour le faire annuler, contestant le sérieux de l’évaluation présidant au classement, évoquant des erreurs et un non-respect de certains points de la règlementation.

Seulement neuf jours après l’audience, le Tribunal administratif de Bordeaux a rendu sa décision le 17 décembre 2015.

bouteille et verre à pied

Le Tribunal administratif a validé le classement des Saint-Emilion, confortant ce dernier et sa méthodologie.

Les griefs invoqués par les trois propriétés plaignantes ne remettent pas en cause, selon le Tribunal, les caractéristiques essentielles de l’appellation.

Deux des trois requérants ont d’ores et déjà annoncé qu’ils allaient faire appel, à savoir Croque-Michotte et Corbin-Michotte.

Le feuilleton du classement de 2012 se poursuit donc…

Loi Evin – l’assouplissement est enfin une réalité

Vini Ma®k s’est fait l’écho ces derniers mois d’un autre feuilleton, celui du « vrai-faux » assouplissement de la loi Evin, qui est enfin devenu réalité après un nouveau vote favorable de l’Assemblée Nationale le 24 novembre 2015 (cf. Vini Ma®k décembre 2015), ayant débouché sur la loi n° 2016/41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé.

Cette loi insère un nouvel article L.3323-3-1 dans le Code de la santé publique, ainsi rédigé :

« Ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, au sens du présent chapitre, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée au titre de l’article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime.
grappe de raisin avec verre
Article L665-6
Le vin, produit de la vigne, les terroirs viticoles ainsi que les cidres et poirés, les boissons spiritueuses et les bières issus des traditions locales font partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France.

Cet amendement, qui va dans le sens d’un assouplissement de la loi Evin, ouvre donc – enfin – aux acteurs de l’oenotourisme de nouveaux horizons publicitaires sans risque de tomber sous le coup de la fameuse publicité ou propagande la loi Evin.

Alors que la France connaît un véritable essor de son activité d’oenotourisme, cet assouplissement est le bienvenu, même si d’un strict point de vue juridique, certains termes pour le moins vagues ou généraux de ce nouvel article L.3323-3-1 vont faire les délices des juristes et des tribunaux (« relatifs à », par exemple).

La loi n° 2016/41 a été promulguée au Journal Officiel du 27 janvier 2016.

A suivre donc.

1855 classé parmi les mentions traditionnelles viticoles

1855, désignant le fameux classement des Grands Crus du Médoc établi en 1855 à l’initiative de Napoléon III, est la première date à être officiellement reconnue au niveau communautaire en tant que mention traditionnelle inscrite sur le Registre des Mentions Traditionnelles.

La demande remonte au mois d’août 2015 mais, aucune opposition n’ayant été formée, c’est officiel : en Europe, le dépôt et l’utilisation de marques ou signes distinctifs composés de ou comportant 1855 sont interdits, de même que tout usage commercial, sauf de la part du Conseil des Grands Crus Classés en 1855 et lorsqu’il s‘agit d’une référence historique bien sûr, ou encore bien sûr sur les étiquettes des Grands Crus classés en…1855.

Conséquence directe de « l’affaire www.1855.com », cette nouvelle importante s’accompagne de la récente reconnaissance des termes « Grand Cru Classé en 1855 » en Chine.

Le « Paquet Marques »

Cette expression manquant quelque peu d’élégance désigne un ensemble de deux textes communautaires très importants récemment adoptés, après plusieurs années de discussions, en matière de marques. Il ne s’agit donc pas de textes visant spécifiquement les marques vitivinicoles mais intéressant l’ensemble des déposants de marques. Il y a tout d’abord un Règlement (UE) n° 2015/2424 du 16 décembre 2015, publié au Journal Officiel de l’Union Européenne le 24 décembre 2015 et qui entrera en vigueur le 23 mars 2016. Ce texte, d’application uniforme et directe dans les 28 Etats membres de l’Union Européenne, réforme le système de la marque communautaire, vitivinicole notamment.

Le second texte est la Directive (UE) n° 2015/2437) du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, publié au Journal Officiel de l’Union Européenne le 23 décembre 2015 et entrée en vigueur le 13 janvier 2016.

Cette Directive, visant à harmoniser davantage encore le droit national des marques entre les Etats membres, n’est pas d’application directe : les Etats membres devront la transposer en modifiant leur législation nationale, dans un délai de trois ans (ou sept ans pour certaines dispositions).

Beaucoup de changements, de fond ou de forme, vont donc intervenir, aussi bien concernant la marque communautaire, par le biais du Règlement, que les marques nationales, dont les marques françaises, lorsque la Directive aura été transposée en France.

Sur la forme, on ne parlera ainsi plus de marque communautaire mais de « marque de l’Union Européenne » et l’Office Communautaire, baptisé jusqu’à présent OHMI, devient « Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle » (OUEPI). Toujours d’un point de vue pratique, les dépôts de « marques européennes » n’auront plus lieu pour un forfait de 3 classes mais celui-ci est remplacé par un système de taxe par classe. Cela permettra un désengorgement des registres et une réduction des frais de dépôt ou de renouvellement.

Toujours d’un point de vue pratique, mais très importante, la suppression de l’exigence d’une représentation graphique de la marque : jusqu’à présent, seul pouvait être déposé un signe « susceptible de représentation graphique » ; désormais tous les signes pourront constituer des marques communautaires, sous réserve toutefois de pouvoir être représentés dans le Registre des marques « d’une manière qui permette aux autorités compétentes et au public de déterminer l’étendue précise de la protection », et également de comparer les marques en cas de litige.

Heart made with wine corks

C’est la porte ouverte à la reconnaissance des marques olfactives, sonores, tactiles, gustatives, etc.

La Directive quant à elle générera de grands changements également dans la loi française des marques lorsque celle-ci sera modifiée, avec en particulier la possibilité de demander l’annulation ou la déchéance faute d’usage d’une marque non plus nécessairement devant un Tribunal mais directement devant l’INPI, ce qui induira de grands changements de comportements.

Il sera également possible de baser une opposition non plus sur une seule marque, mais sur plusieurs marques et même sur plusieurs droits antérieurs, à l’instar de ce qui se pratique actuellement au niveau communautaire.

Une petite précision qui intéressera plus particulièrement le milieu vitivinicole : de nouveaux droits antérieurs peuvent justifier un refus d’enregistrement de marque : désormais, outre les appellations d’origine et les indications géographiques, les mentions traditionnelles pour les vins, les spécialités traditionnelles garanties et les dénominations des variétés végétales (lorsqu’elles sont protégées au niveau national) constituent également des antériorités faisant obstacle à l’enregistrement d’une marque.

Marques vitivinicoles : jurisprudence

Quelques décisions récentes de la Division d’opposition de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) méritent d’être signalées, en provenance du Bordelais et de la Champagne.

La société BARON PHILIPPE DE ROTHSCHILD SA, très active en matière de défense de ses marques, a ainsi pu obtenir, le 11 décembre 2015, une décision favorable de l’INPI, sur opposition, rejetant la demande de marque française LA BARONNE pour imitation de la marque antérieure MISE DE LA BARONNIE déposée non seulement pour des « vins et spiritueux » mais également pour des « bières, apéritifs sans alcool, boissons alcoolisées, cidres et digestifs », s’inscrivant ainsi dans le cadre d’une jurisprudence maintenant bien établie.

L’INPI reconnaît un risque de confusion entre LA BARONNE et MISE DE LA BARONNIE.

Quelques jours plus tard, la même société BARON PHILIPPE DE ROTHSCHILD SA obtenait également le rejet, par l’INPI sur opposition, d’une demande de marque française LA BRASSERIE DES BARONNIES, sur la base de sa même marque antérieure MISE DE LA BARONNIE, retenant également un risque de confusion pour les mêmes boissons, allant donc largement au-delà du seul domaine des vins.

Du côté de la Champagne à présent, signalons deux décisions qui illustrent une certaine subjectivité dans l’appréciation de la contrefaçon.

Le 3 décembre 2015, l’INPI rejetait l’opposition formée par la CHAMPAGNE LANSON à l’encontre d’une demande de marque postérieure LANDISSON, retenant de nettes différences entre LANDISSON et LANSON, tant au niveau du rythme que de la longueur.

L’INPI ne considère donc pas que LANDISSON imite la marque antérieure LANSON.

En revanche, le même jour, l’INPI toujours sur opposition considérait qu’une marque HERMESSI portait atteinte à la marque antérieure HENNESSY de la société JAS HENNESSY & CO, retenant des sonorités effectivement très proches, mais prêtant moins d’attention aux autres aspects.

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