Décembre 2015

Loi Evin (encore et toujours)

Chaque numéro de Vini Ma®k connaît un nouveau développement concernant la « vraie fausse » clarification de la loi Evin et la succession de bonnes puis mauvaises nouvelles depuis le début de l’été dernier.

Le dernier développement en date serait-il, enfin, le bon ?

C’est en effet à une large majorité que les députés, réunis à l’assemblée Nationale le 24 novembre 2015, ont à nouveau voté l’amendement permettant de clarifier la loi Evin (amendement qui avait déjà été adopté dans le courant de l’été 2015 dans le cadre de la loi dite Macron, avant d’être censuré par le Conseil Constitutionnel).

Rappelons qu’il s’agit, par cet amendement, de sécuriser l’information journalistique et oeno-touristique pour qu’elle ne puisse plus tomber sous le coup des interdictions de la loi Evin, mais qu’il reste suspendu à deux prochaines échéances, pour une validation complète du dispositif : un ultime vote au Sénat puis le dernier mot de l’Assemblée Nationale, tous deux attendus au mois de décembre.

Jurisprudence

Ce mois-ci, Vini Ma®k s’attache tout d’abord à deux décisions communautaires :

  • La première a été rendue par le Tribunal de l’Union Européenne (TUE) le 29 octobre 2015 dans une affaire QUO VADIS sur les conditions de protection des marques de renommée au niveau communautaire et leurs atteintes et sur les conséquences de cette protection en raison de la nature de produits alcooliques des produits désignés.

La société française EDITIONS QUO VADIS est titulaire de la marque bien connue QUO VADIS désignant notamment des agendas et a fait opposition, à l’OHMI, à l’encontre d’une demande de marque communautaire QUO VADIS déposée par un citoyen espagnol pour des boissons alcooliques et la vente au détail de vins, sur le fondement d’un risque de confusion et, palliatif habituel dans un tel cas, d’une atteinte à la renommée de sa marque.

Son opposition ayant été rejetée par l’OHMI, la société EDITIONS QUO VADIS forme un recours devant le TUE sur le fondement de l’article 8.5 du Règlement communautaire, estimant que le public ferait un lien entre les marques, ce lien étant l’une des exigences des textes applicables en la matière, et indiquant que la connotation négative procurée par le fait que le produit contesté soit de l’alcool créerait une association préjudiciable à la marque d’agendas QUO VADIS et que de surcroît, en raison de la législation française (la fameuse loi Evin), l’enregistrement de la marque QUO VADIS pour des boissons alcooliques et du vin réduirait la liberté des EDITIONS QUO VADIS de communiquer sur sa marque (la fameuse publicité indirecte).

Le Tribunal rejette le recours formé par les EDITIONS QUO VADIS, en l’absence d’un lien qui pourrait être fait par le public entre une marque d’agendas et une marque de boissons alcooliques. Le Tribunal confirme que dès lors qu’un tel lien n’est pas établi, l’usage de la marque contestée n’est pas de nature à créer un préjudice aux EDITIONS QUO VADIS, ni de manière générale ni dans le cas particulier de la nature particulière des produits désignés par la marque contestée.

S’agissant plus particulièrement du vin, le Tribunal considère que ce n’est pas un produit qui serait préjudiciable en soi et que l’usage justifié d’une marque antérieure pour des produits différents, pour être sanctionné sur le fondement de l’article 8.5 du Règlement communautaire, doit être le résultat d’un comportement du déposant, et non d’une législation nationale, qui n’a pas à être prise en considération pour apprécier la légalité d’une décision de l’OHMI.

  • TUE 18 novembre 2015, PORTO/PORT CHARLOTTE: dans cette décision, il est à l’inverse tenu compte d’une législation nationale pour apprécier la protection d’appellation d’origine ou d’indication géographique.

Il s’agit en l’espèce des appellations d’origine PORTO et PORT, sa version anglaise, protégées au niveau communautaire comme par différentes dispositions de la loi portugaise. L’Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto agit en annulation d’une marque communautaire postérieure PORT CHARLOTTE déposée par une distillerie anglaise pour désigner du whisky.

Sur le fond, le TUE confirme le rejet, par l’OHMI, de l’action en annulation intentée par l’OHMI, de l’action en annulation intentée par l’Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto IP, considérant que dans la marque contestée PORT CHARLOTTE, PORT faisait manifestement partie d’un tout avec le terme suivant CHARLOTTE et ne portait aucunement atteinte aux AOP PORTO ou PORT.

L’autre point intéressant est que, contrairement à la jurisprudence BUDWEISER des mêmes juridictions communautaires quelques années auparavant, le Tribunal considère cette fois que l’appellation PORTO peut être protégée non seulement par le Règlement communautaire mais également par la loi nationale portugaise, à laquelle le Règlement communautaire renvoie.

Il y a donc en quelque sorte une protection supplémentaire des appellations d’origine protégée par la loi nationales des Etats membres, que peut reconnaître la juridiction communautaire.
Au niveau français, citons ensuite l’arrêt de la Cour d’Appel de Colmar en date du 18 novembre 2015, s’inscrivant dans le cadre de la « saga judiciaire » opposant la Cave Coopérative Vinicole WOLFBERGER, titulaire de la marque Lucien ALBRECHT, à Jean, Marie et Cécile ALBRECHT (cf. précédents numéros de Vini Ma®k).

La Cour d’Appel de Colmar avait déjà, par décisions du 15 octobre 2014, considéré que les marques Jean ALBRECHT, Marie et Cécile ALBRECHT, FAMILLE ALBRECHT et Cécile ALBRECHT portaient atteinte à la marque antérieure Lucien ALBRECHT en raison du patronyme commun.

Un an plus tard, la même Cour confirme une ordonnance de référé qui avait été rendue par le juge des référés civil du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg, entre les mêmes parties, qui avait fait interdiction aux appelants de faire usage du patronyme ALBRECHT à titre de dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine.

  • Citons également l’arrêt de la Cour d’Appel de Douai rendu le 26 novembre 2015 concernant deux marques semi-figuratives pour des étiquettes de champagne ci-après reproduites :
    Ecusson_2
    Ecusson_1

La société MHCS, titulaire d’une marque semi-figurative MOËT et CHANDON pour une étiquette, a fait opposition à l’INPI à l’encontre d’une demande de marque consistant en une étiquette dorée « Champagne Saint-Chamant à Epernay ».

L’INPI ayant reconnu l’opposition bien fondée, un recours est formé. La Cour d’Appel se livre à une comparaison complète et détaillée des deux écussons dorés, de nuances légèrement différentes et, considérant les différences existant entre les signes, notamment les parties verbales des signes, la relative banalité de la couleur dorée quelle qu’en soit la nuance et les différences également de formes entre les blasons, annule la décision de l’INPI en considérant que l’opposition de la société MHCS était injustifiée.

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