Mai 2021

Vini Ma®k N° 36 – mai 2021

Quelques décisions de jurisprudence au sommaire de ce nouveau numéro :

Atteinte à une IGP : l’IGP Bayerisches Bier se fait mousser

Le 16 mars 2021 ; la Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1ère chambre, annule le dépôt de la marque 8.6 Gold Bavaria, désignant de la bière.

Le conflit opposait l’organisme de défense de l’Indication Géographique Protégée (IGP) Bayerisches Bier au titulaire de la marque de bière bien connue :

La Cour considère tout d’abord que la marque BAVARIA réalise une évocation illicite de l’IGP car le terme BAVARIA, occupant une place centrale dans la marque, est très visible et, même pour un consommateur « ni latiniste ni germanophone » évoque immédiatement la Bavière, zone géographique réputée pour sa production de bières.

La Cour voit également dans cette marque une tromperie du consommateur sur la provenance géographique des produits.

Cet arrêt illustre la très large protection dont bénéficient les IGP et AOP, en particulier viticoles, contre, notamment, des marques (cf. les affaires El Palomar, Vega Sicilia ou encore Chignin-Bergeron), qui va bien au-delà du fameux risque de confusion que l’on connaît dans les conflits entre marques.

Protection des AOP/IGP toujours : de l’art d’en faire tout un fromage

Le numéro 35 de Vinim@rk se faisait l’écho de la décision attendue du 17 décembre 2020 de la Cour de Justice de l’Union européenne, dans l’affaire dite du Morbier, et dont les enseignements sont évidemment transposables à la matière vitivinicole.

Le Morbier, fromage bien connu fabriqué dans le massif du Jura, bénéficie d’une AOP depuis 2000. Il se caractérise par la présence d’une raie noire partageant le fromage en deux dans le sens horizontal.

Reprochant à une société concurrente de commercialiser un fromage sans cette AOP mais avec la même raie, le Syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier l’assigne mais est débouté en première instance et en appel de son grief d’atteinte à l’AOP Morbier.
.La Cour de cassation, saisie, pose une question préjudicielle à la CJUE pour savoir si la reprise des caractéristiques physiques d’un produit couvert par une AOP, sans utilisation de la dénomination enregistrée, est une pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur.

La Cour répond par l’affirmative, confirmant ainsi son arrêt QUESO MANCHEGO (déjà du fromage) du 2 mai 2019.

Par voie de conséquence, la Cour de cassation, ainsi éclairée, rend son arrêt le 14 avril 2021 et énonce qu’une AOP bénéficie d’une protection non seulement contre une reproduction de son nom mais également contre des reproductions de la forme ou de l’apparence caractérisant le produit couvert par l’appellation, dans la mesure où de telles reproductions peuvent induire le consommateur en erreur quant à la provenance commerciale du produit.

Appréciation de la contrefaçon : l’ivresse de la similarité des produits

Terminons par une intéressante décision obtenue par Pernod Ricard le 28 avril 2021 du Tribunal de l’Union européenne dans une problématique récurrente et parfois fluctuante : quel est le degré…de similarité entre les différentes boissons alcooliques et alcoolisées que sont le vin, les liqueurs, le cidre, les bières, etc.

L’un des principes majeurs du droit des marques en effet est qu’une marque peut être opposée à une marque postérieure désignant, non pas seulement des produits identiques, mais des produits similaires, définis comme susceptibles d’être attribués à une même origine par le consommateur.

Or suivant les cas et les juridictions, la similarité fluctue.

Dans cette affaire, Pernod Ricard, titulaire de marques SOHO pour des « liqueurs », en classe 33 ,

s’opposait à l’EUIPO à une demande de marque européenne The KING of SOHO pour les produits suivants :

classe 32 : « Bières ; moût de bière ; bière de gingembre ; moût de raisin ; houblon (extraits de -) pour fabrication de bière ; liqueurs, préparations pour la fabrication de liqueurs ; bière de malt ; moût de malt ; cidre non alcoolique » ;
classe 33 : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; essences alcooliques ; extraits alcooliques ; anis [liqueur] ; anisette ; apéritifs ; arak ; amers [liqueurs] ; eaux-de-vie ; cidres ; cocktails ; curaçao ; digestifs [alcools et liqueurs] ; boissons distillées ; boissons alcooliques contenant des fruits ; extraits de fruits avec alcool ; genièvre [eau-de-vie] ; kirsch ; liqueurs ; hydromel ; alcool de menthe ; poiré ; piquette ; boissons alcoolisées prémélangées autres qu’à base de bière ; alcool de riz ; rhum ; saké ; spiritueux ; vodka ; whisky ; Vins ».

Le Tribunal, au terme de comparaisons très détaillées, confirme, malgré des différences d’élaboration ou de composition, la similarité entre toutes ces boissons, retenant notamment leur nature, leur finalité, leur utilisation, leur mode de consommation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés.

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