Décembre 2017

Vini Ma®k N°25 – Décembre 2017

Le dernier numéro de 2017 de Vinimark sera consacré à une nouvelle « balade oeno-judiciaire » hivernale dans nos différents terroirs, destinée à commenter un certain nombre de décisions récentes des tribunaux ou de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) en matière de conflits entre marques vitivinicoles.

Débutons notre nouvelle balade en Champagne, commentant une décision d’opposition rendue par l’INPI le 21 novembre 2017 – encore susceptible de recours par conséquent – opposant la société CHAMPAGNE JACQUART, titulaire de la marque verbale française JACQUART, à une demande de marque postérieure LOUIS JACQUARD.champagne flute

La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante et abondante considérant que la simple adjonction d’un prénom à un patronyme, fut-il non pas identique mais quasiment identique, ne suffit pas à éviter un risque de confusion car « le nom de famille constitue l’élément essentiel d’un signe et prime sur le prénom en ce qu’il permet d’identifier une personne physique par l’appartenance à une famille. ».

Un risque de confusion est donc retenu et la demande LOUIS JACQUARD rejetée.

Rendons nous à présent en Bourgogne, plus précisément dans la Côte Châlonnaise, avec une intéressante décision mettant aux prises la marque verbale BUISSONNIER, appartenant à la CAVE DES VIGNERONS DE BUXY, à la demande de marque LES VIGNES BUISSONNIERES, déposée par le SYNDICAT DES VIGNERONS DU PIC SAINT LOUP.

La division d’opposition de l’INPI, dans sa décision du 13 novembre 2017 (susceptible de recours), reconnait le caractère prépondérant du mot BUISSONNIERE dans la demande contestée et l’imitation ainsi réalisée de la marque antérieure BUISSONNIER, pour accueillir favorablement l’opposition et rejeter la demande de marque LES VIGNES BUISSONNIERES.

En poursuivant notre balade en Provence, nous commenterons tout d’abord, la décision d’opposition de l’INPI en date du 15 novembre 2017, dans une affaire mettant aux prises la COMMUNE DE SAINT-TROPEZ, titulaire de la marque verbale SAINT-TROPEZ, à un particulier ayant déposé une demande de marque GIN TROPEZ.

Sans grande surprise, l’INPI, dans sa décision elle aussi encore susceptible de recours, considère que la marque GIN TROPEZ, comportant un second terme identique à la marque antérieure SAINT-TROPEZ et « un même rythme trisyllabique et les mêmes sonorités », est une imitation de la marque antérieure SAINT-TROPEZ et la rejette.

Quelques jours plus tôt, la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 27 octobre 2007 examinait l’appel formé par la SOCIETE FERMIERE DU MAS DE LA DAME – ROBERT FAYE.
Curieusement déboutée en première instance, la SOCIETE FERMIERE DU MAS DE LA DAME – ROBERT FAYE, titulaire de marques MAS DE LA DAME désignant des vins d’appellation Côteaux d’Aix-en-Provence, poursuivait en contrefaçon l’EARL MAS DES DAMES ayant déposé et utilisant une marque MAS DES DAMES pour désigner des vins de Pays d’Oc.

La Cour d’appel retient que « des vins d’appellation différentes sont, en raison de leur nature, leur mode de consommation ou leur mode de distribution, des produits similaires pour le consommateur de référence qui leur attribuera la même origine pour le consommateur de vin, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé ».

La Cour retient également les très fortes ressemblances entre MAS DE LA DAME et MAS DES DAMES, notamment la même construction et la présence des mêmes termes MAS et DAMES, pour en retenir un risque de confusion et, partant, une contrefaçon.

L’arrêt est également intéressant sur un autre aspect, celui du caractère trompeur de la marque attaquée MAS DES DAMES.

Cette marque a été reconnue trompeuse au sens de l’article L711-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, comme contrevenant plus précisément au décret « étiquetage » n°2012-655 du 4 mai 2012.

En effet, les vins étiquetés MAS DES DAMES ne provenaient pas d’une exploitation exactement dénommée MAS DES DAMES au cadastre et dès lors la marque a été considérée comme trompeuse et annulée.

Restons dans le sud de la France avec une décision d’opposition de l’INPI en date du 29 septembre 2017 – définitive – opposant la marque verbale CARABAS de la société BARON PHILIPPE DE ROTHSCHILD, à une demande de marque DUC DE CARABASSE, désignant des vins d’appellation Costière de Nîmes.

Sans réelle surprise, la demande de marque DUC DE CARABASSE a été considérée comme portant atteinte à la marque antérieure CARABAS, l’expression DUC DE n’étant pas de nature à écarter un risque de confusion et n’altérant pas « le caractère immédiatement perceptible et dominant du terme CARABASSE au sein du signe contesté ».

Signalons également une décision intéressante concernant une marque semi-figurative , à une demande de marque postérieure SABLE FIN, déposée par la SCA LES MAITRES VIGNERONS DE LA PRESQU’ILE DE SAINT-TROPEZ.

Le SYNDICAT DES VINS DES SABLES, titulaire de la marque semi-figurative VINS SABLE DE CAMARGUE, désignant des vins d’IGP Sable de Camargue, s’est opposé sans succès à la demande de marque SABLE FIN, l’INPI considérant que malgré la présence commune du terme SABLE, les signes différaient suffisamment et que le signe contesté, notamment, « sera perçu comme une simple référence à du sable se caractérisant par sa finesse, alors que les éléments SABLE DE CAMARGUE de la marque antérieure renverront directement à l’indication géographique protégée ainsi dénommée ». (Décision susceptible de recours).

Plus au sud, sur le terroir de l’appellation Banyuls, la célèbre maison des Côtes du Rhône CHAPOUTIER opposait sa marque verbale TERRA VINYA à une demande de marque postérieure ALLIANCE TERRA VINA assortie d’un logo .

L’INPI dans sa décision du 6 octobre 2017 accueille l’opposition et rejette la demande de marque contestée, jugeant les différences dues au logo insuffisantes à contrebalancer les très importantes ressemblances entre TERRA VINA et TERRA VINYA

Rendons nous à présent dans la vallée du Lot, avec une décision de la Cour d’appel de Bordeaux du 24 octobre 2017, sur recours contre une décision de l’INPI en matière d’opposition.

La SCEA DES DOMAINES ROCHE, commercialisant des vins d’IGP Côtes du Lot Rouge sous la marque Le Petit Paul ci-après reproduite reprochait à l’INPI d’avoir reconnu justifiée l’opposition formée par la société HOLDER, titulaire de la célèbre marque  désignant notamment des boissons alcoolisées en classe 33.

La Cour confirme la décision de l’INPI et le fait que les deux signes en présence aient en commun le terme PAUL, l’expression LE PETIT ne venant que qualifier ce terme distinctif « qui demeure l’élément dominant » pour caractériser un risque de confusion et confirmer la décision de rejet de la demande de marque Le Petit Paul.

Terminons notre balade oeno-judiciaire dans le Bordelais avec tout d’abord la suite de la « saga » judiciaire CHÂTEAU BEYCHEVELLE, tenant nos lecteurs en haleine depuis plus de 4 ans.

Dans notre numéro 18 de novembre 2016 nous commentions l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 septembre 2016 en cette affaire, mettant aux prises le célèbre CHÂTEAU BEYCHEVELLE, Grand Cru Classé de Saint-Julien, à la marque Château Les Eyraux (Bordeaux Supérieur) dont l’étiquette du vin comporte la représentation stylisée d’un drakkar, tout comme le célèbre drakkar du Château BEYCHEVELLE :

Ayant été débouté en première instance puis en appel, le Château BEYCHEVELLE nourrissait quelque espoir suite à la cassation précitée, la Cour suprême ayant en effet reproché à la Cour d’appel d’avoir, le 27 juin 2014, commis une erreur dans l’appréciation du consommateur de référence.

Las, le Château BEYCHEVELLE se heurte de nouveau à la constatation d’une absence de risque de confusion, puisque la Cour d’appel de Paris dans ce nouvel arrêt, en date du 24 octobre 2017, considère que la marque Château Les Eyraux « ne constitue pas la contrefaçon par imitation des marques complexes CHÂTEAU BEYCHEVELLE ».

Elle considère tout d’abord que la représentation « d’une embarcation ancienne de type drakkar, gabarre ou galère » serait peu originale et que les éléments verbaux, qui diffèrent très nettement, seraient prépondérant.

Il est ensuite – et de nouveau – reproché au CHÂTEAU BEYCHEVELLE de n’avoir pas d’usage, ni de marque, pour l’élément figuratif du drakkar seul et d’invoquer également les dispositions de l’article 6Bis de la Convention d’Union de Paris  sur la marque notoire, alors que cet article ne peut s’appliquer qu’à des marques non enregistrées.

Enfin, aucune concurrence déloyale n’est non plus retenue à l’encontre du Château Les Eyraux.

Quelques jours auparavant, la division d’opposition de l’INPI s’était prononcée sur une opposition formée par un autre Grand Cru classé du Médoc, plus précisément Pauillac, le Château D’ARMAILHAC, à l’encontre d’une demande de marque française RABAILLAC.

L’INPI dans sa décision du 19 octobre 2017 retient l’opposition en raison d’un risque de confusion entre le signe verbal RABAILLAC et la marque antérieure CHATEAU D’ARMAILHAC, ce qui peut paraitre tout de même assez sévère compte tenu des différences existant également entre les signes.

Cela s’explique peut-être par le fait que le déposant de la marque RABAILLAC n’avait pas présenté d’arguments contestant l’opposition.

Toujours à Bordeaux et en appellation Pauillac, citons la décision d’opposition de l’INPI du 16 novembre 2017 dans une intéressante affaire CHATEAU LA FLEUR MILON / CHATEAU LA FLEUR PENIN.

Malgré une architecture proche, l’INPI n’a pas considéré que la marque CHATEAU LA FLEUR PENIN imitait la marque antérieure CHATEAU LA FLEUR MILON, « la séquence verbale <LA FLEUR> n’apparaissant pas dominante, ni dans le signe contesté, ni dans la marque antérieure ».

Enfin, nous terminerons notre nouvelle balade oeno-judiciaire à Saint-Emilion où la SOCIETE CHEVAL BLANC, très active dans la défense de son célèbre Grand Cru Classé CHEVAL BLANC s’est cette fois heurté à un cheval plus coriace, à savoir la demande de marque postérieure CHEVAL MARTIN.

L’INPI rejette l’opposition en considérant que « la seule présence du terme CHEVAL ne saurait suffire à engendrer un risque de confusion ou d’association entre les signes en cause pris dans leur ensemble, « les signes différant en effet nettement par leurs termes finaux et par leurs rythmes.»

Malgré l’argument de la SOCIETE CHEVAL BLANC indiquant que sa famille de marques aurait pour dénominateur commun le terme CHEVAL et que ce terme serait protégeable en soi, l’INPI n’a pas retenu de risque de confusion (décision du 14 novembre 2017, susceptible de recours).

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